Xavier Azalbert, France-Soir
La meilleure défense c'est l'attaque : le "Dati Show" ou l'art de l'inversion accusatoire - partie 1
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Le 22 juillet 2025, le couperet tombe : Rachida Dati, ministre de la Culture et favorite des sondages pour succéder à Anne Hidalgo à la mairie de Paris en mars 2026, est renvoyée devant le tribunal correctionnel. Aux côtés de Carlos Ghosn, ex-PDG de Renault-Nissan, elle devra répondre de chefs graves : recel d'abus de pouvoir, recel d'abus de confiance, corruption et trafic d'influence passif par personne investie d'un mandat électif public. Ghosn, lui, est accusé d'abus de pouvoir, abus de confiance et corruption active. Cette affaire, instruite depuis 2019, n'est pas qu'un dossier judiciaire : elle est une bombe politique, ébranlant le gouvernement Bayrou et exposant les contradictions d'une élite au pouvoir.
Rachida Dati, fidèle à sa réputation de « bête de scène médiatique », ne plie pas. Elle contre-attaque avec ce qu'on pourrait appeler le « Dati Show », un spectacle d'indignation orchestré sur LCI face à un Thomas Misrachi obséquieux. À la question de Misrahci, d'une possible condamnation – jusqu'à 10 ans de prison pour les délits reprochés :
Non. Ça ne m'effleure pas du tout. Parce qu' c'est, heu. On n'est pas dans un État arbitraire ? Rassurez-moi. Non mais, rassurez-moi : on n'est pas dans un État arbitraire ! »
« Ah bon ! « lui aurais-je répondu, taquin si c'eut été à moi à qui elle avait lancé cette diatribe. Toutefois je comprends son agacement.:q]
Son ton vindicatif, ses postures hautaines et son français malmené trahissent une défense fragile. Pire, elle s'emmêle : en déclarant qu'« ils essaient de me mettre un genou à terre, mais je ne vais pas mettre le deuxième », elle admet implicitement que le renvoi en correctionnelle l'a déjà ébranlée. Elle s'est « emmêlé les pinceaux » (2), dans une maladresse révélatrice pour une ex-Garde des Sceaux, qui a elle-même contribué à durcir les lois de procédure pénale sous Nicolas Sarkozy.
Ce n'est pas tout. Dati bénéficie d'un soutien de poids : Gérald Darmanin, ministre de la Justice et survivant de tous les gouvernements Macron, clame sur TF1 sa présomption d'innocence et son souhait qu'elle devienne maire de Paris : « Il est évident que Rachida Dati, qui est une grande femme politique et dont je souhaite ardemment qu'elle devienne maire de Paris, est présumée innocente. »
Emmanuel Macron, lui, temporise (1) : « Un renvoi n'est pas une condamnation, elle poursuit son travail ». Ce soutien contraste avec la précarité de sa situation judiciaire. Seule ministre à avoir survécu aux deux derniers remaniements, Dati est une pièce maîtresse du dispositif macroniste, mais aussi une cible. Ses ambitions parisiennes, ses réseaux politiques et son carnet d'adresse « extrêmement nourri » la protègent… pour l'instant. Mais l'étau se resserre, et son agressivité médiatique, loin de dissiper les soupçons, les amplifie. Comme [MjS6Xpa8w3M]|le note un commentaire acerbe:video] sous une vidéo de son interview : « Si tous ces politiques corrompus mettaient autant d'énergie à défendre leur pays que leurs carrières, la France serait le meilleur pays du monde ».
L'ironie est cruelle : Dati, qui fustige un prétendu « complot » judiciaire, semble oublier que les magistrats qu'elle attaque – comme Jean-François Bohnert ou Eliane Houlette – [vp27J6SUzAE]|affirment avoir respecté la loi à la lettre:video]. En accusant le parquet de dysfonctionnements, elle omet que ces mêmes règles, qu'elle juge arbitraires, sont en partie son héritage. Cette inversion accusatoire, marque de fabrique de l'ex-ministre, pourrait bien se retourner contre elle.
Dans le "Dati show", l'interview a ensuite pris une tournure inattendue, juste avant le passage final absurde dont je vous parlerai dans le second épisode après une pause bien méditée.
1) contraint qu'est Emmanuel Macron de garder Rachida Dati dans le gouvernement, exactement comme contraint, il fut de la prendre pour ministre.
2) elle s'est « emmêlé » un peu les pinceaux, et non pas « emmêlée », ceci pour la raison suivante. Le verbe « emmêler » n'est pas pronominal par nature. Il est utilisé ici en tant que verbe pronominal par destination : ce n'est pas elle-même que Madame Dati a « emmêlée » dans quelque chose (participe passé qui dans cette phrase-ci s'accorde en genre et en nombre avec le complément d'objet « elle-même », car il est placé avant l'auxiliaire utilisé et qui se trouve être avoir, mais les pinceaux, sous-entendu les siens, à savoir son esprit. Dès lors, le participe passé est invariable : « emmêlé. » Maître Capélo confirme.